« Un marché de l’énergie en pleine mutation en Région de Bruxelles-Capitale ! »

Interview croisée entre Marc Deprez et Pascal Misselyn, respectivement président du conseil d’administration et coordinateur de BRUGEL.


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Quel a été le principal enjeu du marché de l’énergie en Région de Bruxelles-Capitale en 2016 ?

Marc Deprez : La mise en place progressive du marché de la flexibilité a été sans conteste l’enjeu le plus stratégique. Pour le secteur, il s’agit de faire face, avec davantage d’intelligence, aux épisodes d’intermittence des unités de production décentralisées. Lorsqu’ils effacent leur demande au bon moment (en cas de pics de consommation par exemple), les consommateurs d’électricité peuvent également jouer un rôle bénéfique pour la gestion du réseau électrique. Ce nouveau paradigme marque un tournant dans la manière de consommer de l’énergie.

En tant que régulateur, notre mission a consisté à informer les autorités publiques quant aux enjeux et au cadre légal à mettre en place. Nous devons veiller à ce que le consommateur final puisse bénéficier de cette flexibilité sans pour autant devoir s’impliquer dans ce marché. Les consommateurs non avertis ne doivent pas non plus être pénalisés par un marché qui se complexifie.

Le marché répond-il à ce nouveau défi ?

Pascal Misselyn : En matière de flexibilité, nous avons assisté depuis quelques temps à une véritable prise de conscience de tous les grands acteurs institutionnels, les grands fournisseurs, les grands producteurs et les grands consommateurs. Ce qui change aujourd’hui, c’est que les consommateurs de taille plus modeste sont progressivement sensibilisés. En 2016, les premiers consommateurs moyenne tension bruxellois ont été activés. On peut supposer que d’ici trois à cinq ans, les consommateurs basse tension le seront aussi.

Au-delà de l’énergie électrique, la Région de Bruxelles-Capitale va également être confrontée à un problème de conversion de gaz pauvre en gaz riche. Qu’en est-il exactement ?

Marc Deprez : En 2016, nous avons pris conscience que le réseau bruxellois devait s’adapter rapidement au gaz riche. Pour le moment, 100% du réseau est alimenté en gaz pauvre en provenance des Pays-Bas. Et ce pays a décidé d’interrompre définitivement la livraison de ce gaz à brève échéance. En Région de Bruxelles-Capitale, le gouvernement est désormais bien conscient qu’il faut organiser ce projet de conversion d’un point de vue pratico-pratique. Comment adapter le réseau ? Quels messages faire passer aux consommateurs finaux ? Comment garantir leur sécurité ? Qui va prendre le lead de cette conversion ? Le rôle de BRUGEL est de conseiller les autorités publiques pour mettre en place un système qui assure un maximum de sécurité pour le consommateur final.

Les fournisseurs évoquent souvent la précarité énergétique de beaucoup de consommateurs bruxellois. Certains hésitent même à s’implanter en Région de Bruxelles-Capitale. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Pascal Misselyn : En 2016, certains indicateurs ont à nouveau été révélateurs de la fragilité du consommateur bruxellois : augmentation des poses de limiteur de puissance et des coupures, plus de recours aux services sociaux, etc. Ce constat est étroitement lié aux aspects socio-économiques de la Région : davantage de précarité, davantage de déménagements, davantage de locataires que de propriétaires, etc. En région de Bruxelles-Capitale, le niveau de protection sociale en matière d’énergie est par contre sensiblement plus élevé que dans les deux autres régions. Les fournisseurs doivent, par exemple, obtenir la résiliation du contrat devant un juge de paix avant que ne surviennent les coupures. En outre, ils doivent faire offre à chaque client qui le souhaite et ont l’obligation de proposer des contrats pour une période de trois ans.

Le montant de la facture énergétique est resté stable en 2016 et a même légèrement diminué en 2017. Comment expliquez-vous cette maîtrise du prix de l’électricité ?

Marc Deprez : La vigilance dont nous faisons preuve dans l’organisation du marché nous a permis de maîtriser les prix. Les tarifs de distribution ont été bien maîtrisés et n’ont pas connu de dérive, notamment pour le soutien aux énergies renouvelables. Le gestionnaire de réseau SIBELGA est également parvenu à maintenir des coûts de distribution dans des limites tout à fait raisonnables. Résultat : la facture du client final est restée stable durant des années et le prix de l’énergie a même eu tendance à diminuer en 2016.

Quel lien entretenez-vous avec les acteurs du secteur ?

Marc Deprez : Depuis sa création, BRUGEL s’est toujours efforcée de rester le plus neutre et indépendant possible. Sans cette précaution, nous perdrions toute notre légitimité d’autorité de régulation. La difficulté pour un régulateur est de maintenir cette indépendance tout en multipliant les contacts avec tous les acteurs du marché. Nous restons à l’écoute en privilégiant toujours l’intérêt général.

Comment assurez-vous la protection vigilante du consommateur ?

Pascal Misselyn : Nous veillons constamment au bon respect des ordonnances et des dispositions légales. Nous gérons les plaintes, nous assurons le suivi du marché et nous restons en contact avec les fournisseurs pour nous assurer qu’ils suivent bien les ordonnances. Nous servons enfin d’interface entre les fournisseurs et les CPAS pour que l’information circule. Pour remplir notre mission, nous veillons également à bien comprendre les mécanismes qui régissent le marché en lançant des études et des analyses. Nous sommes enfin présents dans la plupart des organes et forums où l’on discute d’énergie.

Quel est le profil des collaborateurs qui travaillent pour BRUGEL ?

Pascal Misselyn : BRUGEL est composée d’équipes multidisciplinaires en recherche permanente d’idées nouvelles et de consensus enrichissants. La force d’un régulateur est de privilégier le dialogue entre ses équipes et avec les autres acteurs du marché afin de dégager les solutions les plus équilibrées. Les talents que nous engageons doivent donc disposer d’une très grande expertise dans des domaines assez pointus et être capables de faire preuve d’une grande ouverture d’esprit. Un ingénieur spécialisé dans les domaines de l’énergie devra ainsi être capable de dialoguer avec un juriste ou avec le responsable des Affaires sociales.

Quel type de contrôle de gestion avez-vous privilégié en 2016 ?

Marc Deprez : La région nous encourage chaque année à mettre en place une gestion budgétaire novatrice et moderne. En 2016, le gouvernement nous a demandé d’aller encore plus loin en organisant un contrôle de gestion avec des objectifs quantifiés et qualifiés. Pour mettre en œuvre cette procédure, notre CA a fixé en 2016 toute une série d’objectifs opérationnels. On tente à présent de mettre en place les indicateurs (KPI) qui nous permettront de les mesurer. Courant 2017, BRUGEL disposera des différents outils qui lui permettront de bien contrôler l’efficience de gestion d’une petite structure comme la nôtre.

Diriez-vous que votre mission de conseil vis-à-vis des autorités publiques est incontournable ?

Marc Deprez : Le domaine de l’énergie est hautement complexe et évolue très rapidement. Sans un centre d’expertise objectif pour appuyer les autorités publiques, nous assisterions à de fréquentes dérives. Notre mission est d’éclairer le gouvernement à sa demande ou de notre propre initiative, en proposant des études qui nous paraissent pertinentes. Nous avons désormais la confiance des autorités publiques. À tel point que le gouvernement est prêt à nous confier une mission complémentaire de contrôle du prix de l’eau dès l’année prochaine. Cette marque de confiance est une reconnaissance de notre expertise.

Marc Deprez
Président du conseil d’administration


Pascal Misselyn
Coordinateur de BRUGEL




En tant que régulateur, notre mission consiste à informer les autorités publiques quant aux enjeux et au cadre légal à mettre en place. Depuis sa création, BRUGEL s’est toujours efforcée de rester le plus neutre et indépendant possible.

Marc Deprez





En 2016, certains indicateurs ont à nouveau été révélateurs de la fragilité du consommateur bruxellois : augmentation des poses de limiteur de puissance et des coupures, plus de recours aux services sociaux, etc.

Pascal Misselyn